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Soirée télé déprime. Plus de bistrots, plus de campagne et Alphaville en prime

JT de 20 heures. Formule du jour : pas d'entrée, non merci, direct la tartine de politicaille avec quelques tranches bien saignantes de « faits div’ » ou de catastrophes, selon l’« actu »; un p'tit dessert nappé de "société", et hop, un p’tit noir en clin d’œil léger pour oublier jusqu’au lendemain. C’est ainsi sur toutes les chaînes. Celui de ce soir sur France 2 n’aura guère dérogé.

Côté sinistrose, il nous a servi deux sujets à se flinguer : le grignotage des terres agricoles par le béton des villes – sept fois la surface de Paris chaque année, rien qu’en France ! Ils nous ont alors montré la déprime de paysans de Manosque, mes voisins, dont les jours – enfin ceux de leurs oliviers surtout – sont comptés. C’est comme ça, bafouille le maire, y a du monde qui demande, faut bien les loger. Et blabla. La journaliste confirme et renforce : il faut construire un hôpital, un lycée international, de nombreux logements… Ah oui, pourquoi ? Bien sûr, elle n’allait pas remonter au déluge en une minute trente : notre besoin insatiable d’énergie et le mirage d’en produire à pas cher et à l’infini. C’est l’histoire d’ITER et sa fameuse « fusion des étoiles », qui se construit à Cadarache, juste en face (chantier de 70 hectares, forêt bousillée)… Un simple rappel eut été bien venu.

Autre sujet de déprime, la disparition des bistrots à l’ancienne – « sans prétention » comme a dit Pujadas. On en comptait 200 000 vers 1960, il en reste moins de 30 000. On dira que ça fait des poivrots en moins, et ça de moins aussi  de cirrhoses, femmes battues et gamins tarés. Mais le « trou de la sécu » est toujours plus béant. La, le « pourquoi » à peine effleuré c’est aussi qu’on a viré les prolos des centres villes ; d’ailleurs il n’y a plus de prolos, recyclés en chômeurs. Mais les bobos, pas encore chômisés (ça va venir) emplissent désormais les rades « à prétention » – banquettes charnues, ouifi et tout le tralala.

C’était ma rubrique « tout fout le camp et même les Chinois vont racheter nos comptoirs en zinc » ! Au secours le cher Faber, ils vont niquer ton Monsieur L’Homme et toi avec !

Alors, tant qu’à sombrer dans la déprime, je me suis versé un peu d’eau d’Écosse et, sur Arte, me suis tapé Alphaville avec Lemmy Caution en chair et en Eddie Constantine – qui ne buvait pas de la camomille, même dans le film. Du vrai ciné en noir et blanc, fond et forme. Opposition entre ombre et lumière. Obscurité et conscience – mot qui a été supprimé à Alphaville, cette autre planète qui ressemble foutrement à la nôtre avec ses architectures morbides, ses couloirs à la Playtime revu par Godard, ces pantins en perdition, refroidis sur ordre du « système technicien » commandé par Alpha 60, un « super ordinateur » à la voix d’outre-tombe et à la tronche de radiateur électrique. On croise George Orwell et Fritz Lang, 1984 et Metropolis, Céline et Éluard – la poésie, c’est la lumière qui jaillit de l’ombre. Le film va vers ses cinquante ans (1965). Anna Karina y était magnifique en fille déshumanisée d’un Von Braun pas dénazifié. Eddie Constantine joue un faux journaliste du Figaro-Pravda. Ce n’est pas seulement un espion venu des « pays extérieurs », c’est surtout le messager de l’Amour. Ouf ! Sauf que ça respire un max le No Future. On aura été prévenus !

Une vraie bonne soirée à finir dans un bistrot de campagne. Mais y a bientôt pu de bistrot, et pu de campagne.

PS. Arte en profite pour programmer ce vendredi Metropolis en version complète et restaurée. Là encore, la réalité dépasse la fiction : Lang a imaginé une société, quelle horreur, où riches et pauvres vivent dans deux mondes séparés. Le film date de 1927. Les poètes ont de ces clairvoyances.

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Une réflexion sur “Soirée télé déprime. Plus de bistrots, plus de campagne et Alphaville en prime

  • > Jean-Pierre SAEZ
    Voulez-vous dire, et le sou­li­gner ici, que La Provence a bien tenu son rôle de jour­nal d’in­for­ma­tion à pro­pos de cette asso­cia­tion du Puy Sainte Réparade ? Je n’en doute pas en l’oc­cur­rence, et c’est tant mieux. Mon pro­pos concer­nait « France 2 » dont le repor­tage sur Manosque et le gri­gno­tage des terres agri­coles ne m’a pas sem­blé être assez remon­té aux causes de la pres­sion fon­cière – que vous connais­sez bien, en tant que maire de Venelles, notre com­mune donc, qui se trouve dans la zone « sen­sible » de Cadarache.

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