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Maroc. Six jeunes poursuivis pour refus de pratiquer le ramadan

Dépêche de l’AFP datée du 16/9/09 et de Rabat : « Six jeunes Marocains vont être traduits en justice pour “tentative d'incitation à la rupture du jeûne en public”, durant le ramadan. Dimanche après-midi 13 septembre, ils ont tenté d'organiser un rassemblement à Mohammedia (80 km au sud de Rabat) pour protester contre une “loi qui punit la non-observation du jeûne pendant le ramadan au Maroc” […].

« C'est la première fois au Maroc qu'un groupe de “non jeûneurs” s'affiche en public pour réclamer le droit de ne pas pratiquer le ramadan. Cette protestation a été initiée par le Mouvement alternatif pour la défense des libertés individuelles, une association inconnue jusqu'à présent, selon les autorités du royaume. Le Conseil des oulémas (théologiens) de Mohammedia a pour sa part dénoncé cette action qualifiant ses auteurs d' “agitateurs”. »

[Heureusement, soit dit en passant, qu’existe encore une agence comme l’AFP pour relater de tels faits – même s’ils n’ont été que peu repris par la presse. Cette parenthèse pour signaler que l’Agence France Presse se voit menacée dans sa mission d’agence mondiale et généraliste par un projet gouvernemental de nouveau statut.]

Cette histoire de Rabat est terrifiante : car elle relève de la terreur imposée par la domination religieuse sur les esprits et les corps. Plus de la moitié de l’humanité croupit sous cette chape. L’estimation est sans doute bien trop basse : les trois quarts, ou sept huitièmes ?

Peu ou prou, nous faisons partie des privilégiés. Mais la conquête vers la liberté n’a pas été menée sans peine. Elle n’est d’ailleurs ni entièrement achevée, ni à jamais à l’abri de tout retour en arrière. C’est ainsi que les prêcheurs de la « fin de l’Histoire » voudraient bien jeter aux oubliettes certaines pages du passé.

Revenons seulement deux siècles et demi en arrière :

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1er juillet 1766, à Abbeville, un jeune homme de 19 ans, le chevalier de La Barre, est décapité pour avoir manqué de respect envers la religion. En application de la Loi, la justice l'avait condamné à avoir les os broyés jusqu'à ce qu'il avoue son crime, la langue arrachée, la tête coupée, le cadavre brûlé et les cendres jetées au vent.

Les trois principaux "attendus" du jugement disaient qu'il avait été « atteint et convaincu d'avoir passé à vingt-cinq pas d'une procession sans ôter son chapeau qu'il avait sur sa tête, sans se mettre à genoux, d'avoir chanté une chanson impie, d'avoir rendu le respect à des livres infâmes au nombre desquels se trouvait le dictionnaire philosophique du sieur Voltaire ».

Avant même son exécution, La Barre avait trouvé son premier défenseur en la personne de Voltaire, dénonçant ce crime de « la barbarie sacerdotale ».

Après la Révolution, la Convention nationale du 25 brumaire an II, réhabilitait sa mémoire, en tant que « victime de la superstition ».

A la fin du XIXe siècle, et au début du XXe, avec le combat pour l'école publique et la laïcité des institutions, qui aboutit en 1905 à la Loi de séparation de l'Église et de l'État, le chevalier de La Barre est devenu le symbole du combat contre le cléricalisme. » [Sources multiples, tant cette affaire a fait l’objet de nombreux ouvrages. Voir aussi, entre autres innombrables sites, celui du Groupe La Barre .]

On ose croire que les six jeunes Marocains n’auront pas la langue arrachée – ce qui constitue un progrès relatif mais non négligeable. Ils n’en seront pas moins châtiés d’une manière ou d’une autre, pour s’être levés debout, au nom de la liberté de conscience. Un monument sera peut-être érigé en leur mémoire. Dans deux siècles et demi ?

>>> Photo de la plaque en bronze illustrant le supplice du chevalier de La Barre. Monument érigé en 1907 à Abbeville.

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Une réflexion sur “Maroc. Six jeunes poursuivis pour refus de pratiquer le ramadan

  • faber

    Depuis quelque temps, « signe d’ou­ver­ture », les médias nous servent le rama­dan , avec de gen­tils repor­tages exo­tiques et tout. Hortefeux, pour rat­tra­per ses déra­pages a même ava­lé un lou­koum pour sif­fler la fin de la par­tie. Et si on signa­lait les fins de mois dif­fi­ciles à par­tir du 15 ? Ou le jeûne obli­gé des pauvres gens ? Dans un pays laïque, la reli­gion de cha­cun doit se faire dis­crète, même si un curé vaut mieux qu’un ensei­gnant d’a­près L’omni. Pendant ce temps, le roi du Maroc monte les marches de ses palais en tirant la langue et per­sonne ne lui la coupe !

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