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Ah oui, parlons-en de la « Journée de la Laïcité » !

Ils disent, dans le poste, qu’aujourd’hui c’est la journée de la Laïcité. Ah bon, ce n’est donc pas « chaque jour que Dieu fait » ? Comme la journée de la Bonté, de la Femme, de l’Air pur et du Bonheur en pilules.

laicite laïcité
Un mot qui se passe d'adjectifs.

Toujours est-il qu’on en entend de toutes sortes et de toutes sornettes surtout. Qui viennent non pas tant des laïcs de conviction que des cléricaux effarouchés par les dernières « affaires », les plus atroces il est vrai comme celle de Créteil. Et les voilà soudain trop empressés de saisir cette perche du Destin, même satanique, à laquelle ils s’évertuent à raccrocher l’innocence « pur Dieu » de leurs officines menacées. Le danger, même fantasmatique, ressoude les combattants de jadis, ennemis inconciliables devant l’Histoire connue, jamais à court d’étripages, de bûchers et de langues arrachées, de Giordano Bruno au chevalier de la Barre, sous la hargne des Torquemada innombrables, ornés de sabres, goupillons, faucilles, marteaux et autres cols Mao. Ou bien, désormais, au nom de la modernité tolérante, de la Marchandise et du Tiroir-caisse, qui n’ont de religion que celle du Profit. Avez-vous vu, sur nos écrans consensuels, ces rangs resserrés des imposteurs monothéistes prêcher cette tolérance qu’au long des siècles ils n’ont eu de cesse de combattre ? Je parle des cléricaux, non des croyants. Je parle de leurs soi-disant porte-parole, de leurs « bergers » prétentieux, avant-gardes des militaires et des colonisateurs de tous poils, ravageurs des forêts, exploiteurs de la Terre entière, des bêtes et des hommes, bâtisseurs d’empires et de fortunes et, au bout du Compte, agents de la grande Misère à l’œuvre sur toute la planète.

Avez-vous vu, sur nos écrans consensuels, ces rangs resserrés des imposteurs monothéistes prêcher cette tolérance qu’au long des siècles ils n’ont eu de cesse de combattre ?

Le problème, aujourd’hui même, avec la chansonnette de la Laïcité – je mets exprès partout des majuscules de Sacralité comme des grosses têtes de carnaval – c’est qu’elle habille de Tolérance ce qui lui est totalement contraire, si on veut bien considérer le douloureux cheminement de l’Humanité. Chemins de toutes les errances dont l’histoire humaine se trouve percluse, en une accumulation de guerres. L’Histoire ne se résume-t-elle pas, pour l’essentiel et hors exceptions, à celle des guerres ? Et celles-ci de se succéder en ses diverses variantes : conflits de domination entre ego pathologiques agissant au nom des multiples dieux du pouvoir, du commerce, de la compétition et des croyances « supérieures » promptes à racheter la bassesse des « pauvres pécheurs ».

Même perfidie, sinon pire, que celle de ces « laïcs » arguant de la Tradition pour justifier l’installation de la Crèche de Noël – un oxymore entre christianisme et paganisme, soit dit en passant * – dans une mairie (en l’occurrence celle de Béziers et de son maire, Robert Ménard et ses nouvelles frontières frontistes **. Puisqu’avant 1905 et la loi sur la laïcité, la « tradition », en effet, justifiait la présence de crucifix dans les écoles et les tribunaux, pas seulement dans les églises. Puisqu’avant le 21 janvier 1793, le Roi représentait Dieu sur Terre, tandis que sa décapitation a aussi tranché le fil divin, sans que le Chaos s’abatte sur l’humanité (en plus du désordre historique !) Puisque, jusqu’à présent, l’indigne spectacle de la corrida se trouve maintenu au nom de la « tradition tauromachique », sans rien enlever à son horreur.

Où l’on voit que la laïcité, tout comme les trois piliers fondateurs de la République, reste un acquis fragile, à préserver et à renforcer tant les forces anti-vie, voire mortifères, restent à la manœuvre.

J’en profite pour extraire un passage sur le sujet du fameux Journal de Jules Renard :

« -- Moi, dit Borneau, je n’ai pas de religion, mais je respecte celle des autres. La religion, c’est sacré.

« Pourquoi ce privilège, cette immunité ? Un croyant, c’est un homme ou une femme qui croit à ce que dit un prêtre et ne veut pas croire à ce que dit Renan ou Victor Hugo. Qu’y a-t-il là de sacré ? Quelle différence entre ce croyant et tel imbécile qui préférerait la littérature du feuilleton à celle de nos grands poètes ?

« Un croyant crée Dieu à son image ; s’il est laid, son Dieu est laid, moralement. Pourquoi la laideur morale serait-elle respectable ? La religion d’un sot ne le met pas à l’abri de notre dédain ou de notre raillerie.

« Soyons intolérants pour nous-mêmes !

« Que le troupeau de nos idées file droit devant cette grave bergère, la Raison ! Effaçons les mauvais vers de l’humanité. » [26 septembre 1903]

–––

* Bien avant l’apparition du christianisme, l’époque du solstice d’hiver était déjà une période charnière de l’année, qui regroupait de nombreuses croyances païennes relatives à la fertilité, la maternité, la procréation et l’astronomie.

** Se méfier tout autant de ces "hyper-laïcs" nostalgiques des croisades… dont le fond de commerce abrite les moins reluisants des anti-musulmans – et donc anti-arabes – autant que des antisémites.

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

11 réflexions sur “Ah oui, parlons-en de la « Journée de la Laïcité » !

  • Texte auquel j’adhère sans vergogne.
    S’il y a des crèches à ins­tal­ler dans les villes il vau­drait mieux qu’elles soient laïques et « bam­bin­nières » plu­tôt que santonnières!!!
    J’en pro­fite, c’est un peu tôt mais de cir­cons­tance, pour te sou­hai­ter une bonne Athée 2015 !

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      • Dominique Dréan

        Oui, oui, oui, c’est bien vu, à ceci près que les défen­seurs de la crèche « cultu­relle » – avec leur bonne foi habi­tuelle – pré­tendent que si leur petit théâtre doit être reti­ré des lieux publics, il faut éga­le­ment nom­mer autre­ment les crèches « bambinnières ».

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        • On pour­rait dire « man­geoire pour les bes­tiaux » mais ça nous ramène XIIème siècle !

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          • Tu te réfères à l’é­ty­mo­lo­gie de « crèche » qui, par exten­sion, a dési­gné l’é­table, puis celle de la nais­sance sup­po­sée du Christ. Ce qui répond du même coup au com­men­taire pré­cé­dent de Dominique Dréan.

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        • Non : selon son éty­mo­lo­gie « crèche » désigne une man­geoire pour bes­tiaux, pas l’é­table de la Nativité, sinon par extension.

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          • Étymol. et Hist. 1. Début xiies. « man­geoire pour les bes­tiaux » (Ps. Oxford, 241, 29 ds T.-L. [Habacuc III, 17]); 2. 1223 « man­geoire où le Christ fut dépo­sé au moment de sa nais­sance » (G. de Coincy, Miracles, éd. F. Kœnig, t. IV, 559, 322); 3. 1803 « repré­sen­ta­tion de l’é­table de la Nativité » (Chateaubr., Génie, t. 2, p. 317); 4. 1782 – 88 « asile de nou­veau-nés » (Mercier, Tableau, CCLXXI ds Brunot t. 6, p. 1357); 5. 1793 « couche gar­nie d’une paillasse » (d’a­pr. Esn.); 1905 « gîte misé­rable » (ibid.). De l’a. b. frq. *krip­pia (germ. *krib­jon) cor­res­pon­dant à l’all. Krippe « crèche ».

            http://www.cnrtl.fr/etymologie/cr%C3%AAche

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  • Jorris Lalande

    Ils disent « la reli­gion est amour », je dis « devrait »… Et il y a loin de la coupe au calice. Ou alors : amour du pou­voir spi­ri­tuel, de la domi­na­tion sur les faibles, de la conni­vence avec les riches, etc.

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  • Gian

    La seule vraie ques­tion que pose la reli­gion, c’est celle de l’an­goisse de mort. Supprimez cette der­nière, il n’y a plus de rai­son de croire en un au-delà où il n’y aura que l’é­ter­ni­té, acces­soi­re­ment avec 72 hou­ris. Comment sup­pri­mer l’an­goisse de mort ? En exau­çant ses voeux sur Terre, en en finis­sant avec l’illu­sion d’un assou­vis­se­ment sem­pi­ter­nel­le­ment dif­fé­ré de ses dési­rs, bref, au prix d’un grand tra­vail ration­nel sur soi et sans un quel­conque opium, qui est deve­nu la reli­gion du peuple.

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  • BION

    Croyances contre ou & Connaissances (manque de)?
    Sens contre ou & Sciences (excès de)?
    Depuis déjà fort long­temps (…) l’homme est confron­té à ce contexte (cf. positivisme).
    Ceci ne semble-t-il pas lais­ser per­ce­voir une cer­taine pré­gnance de l’Absurde dans tout cela …?
    Heureusement que l’on ne peut se fier réel­le­ment que sur les incer­ti­tudes, n’est-il pas ? Cette conclu­sion res­tant donc incertaine …

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  • L’humain pla­cé, esseu­lé, devant l’im­men­si­té du monde dans lequel il se sai­sit alors seul, res­sent de sta­bi­li­ser son angoisse par la sou­mis­sion à ce qui le dépasse : il est sûr alors de ne pas se mettre à côté de la plaque. Mais en se ras­su­rant de n’y être plus seul, cette soli­tude inté­rieure demeure, qu’il par­tage, en image, avec d’autres. Il rajoute une couche par l’af­fir­ma­tion qu’il détient, lui et son groupe, les clés de l’u­ni­vers en matra­quant qu’il est le seul à les déte­nir, et la forme et le fond.
    Cette angoisse pro­fonde est facile à entre­te­nir, il suf­fit de faire perdre le contact avec soi et avec autrui selon les moda­li­tés de l’a­mour trans­for­mée d’a­bord en rage et ensuite, par macé­ra­tion en haine d’au­trui, même pour le groupe qui vous insère et dont la force est la pri­son de cette haine.
    Ce qui agace un peu les gens dans cette his­toire de crèche, est qu’une « crèche » sym­bo­lise un « renou­veau de l’a­mour », un espoir de sor­tir de cette haine. Et pour les gens dans la cage, c’est un espoir de moins que de voir une telle « inno­cence » dis­pa­raître pour rai­son admi­nis­tra­tive : ils y voient de l’in­to­lé­rance. Pourtant, c’est la base de leur espoir qui est rigide, obtuse, et c’est cet « espoir » qui est malade, affec­ti­ve­ment, car il demande sans fin que le monde de m.rd.e dans lequel il se for­mule, la mani­fes­ta­tion d’un SAUVEUR, alors que c’est eux, les gens, qui sont res­pon­sable de leur propre mal­heur, par pen­sée, par inten­tion et par omission !

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